Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mes livres publiés (auto-publiés)
18 mai 2016

VENDEUSE

 

Puisqu’il lui faut retravailler,la première idée de Diane est de se tourner vers le milieu bancaire où elle a effectué sa première expérience professionnelle mais la Société Lyonnaise ne possède pas de succursale où elle habite désormais et se souvenant de l'accueil si froid du Crédit Lyonnais, elle craint d’essuyer un nouveau refus chez eux ou chez d'autres, et puis, elle n'a plus l'aplomb d'autrefois. Par ailleurs elle sait qu’à l’heure actuelle on doit passer des concours pour entrer dans ce monde et les méthodes de travail ont dû bien changer. Elle n’est sans doute plus au niveau et n’a plus la motivation pour s’y remettre. De toute façon, où que ce soit, Diane souhaite autant reprendre du collier qu'un chien peut rêver d'être tenu en laisse ! Vers quelle branche ou plutôt vers quelle chaîne se tourner ? Que sait-elle faire ? Rien !

Par ouïe dire elle apprend qu'on a besoin d'une vendeuse au rayon vêtements des Nouvelles Galeries. Faire cela ne lui déplairait pas trop, elle a toujours admiré l'élégance de ces vendeuses et le travail ne lui paraît pas pénible. De surcroît elle entendrait de la musique, verrait du monde… oui ce boulot lui conviendrait assez mais ses filles sont un frein puissant. Elle anticipe qu’elle ne sera plus là à midi, ni le soir quand elles rentreront de l’école. Tout ce qu'elle réfutait ! Mais elle n'a guère le choix, d’autant plus que si son couple dérive la faute lui en revient, aussi essaie-t-elle de s'encourager : ses enfants ont grandi et réclament à présent de manger à la cantine comme leurs copines !

Diane se décide donc, postule et obtient ce poste.

Elle commence un mardi. Dès son arrivée, déjà une contrariété : elle pensait s'occuper des ventes d’habits féminins, on lui confie le rayon maillots de bain pour hommes !

Cette journée ne semble jamais finir. Elle la passe à replier ce que le client roi déplie, à remettre les articles dans la bonne pile et à en rajouter s'il en manque. Oh ! Certes elle voit du monde mais elle semble transparente à leurs yeux ! On s'adresse davantage à celle, plus professionnelle, qui lui apprend le travail. Diane se sent empotée et mal à l'aise. Quant à la musique, au bout de plusieurs heures, elle lui chauffe les tympans, lui explose le crâne ou lui colle un bourdon à chialer, s'il s'agit de chansons d'amour. Toutes ses extrémités reçoivent leur lot de misère ! Les jambes lui brûlent et elle a les pieds en feu pourtant elle fait les cents pas devant son stand, lève l'un après l'autre ses talons aiguilles. Elle a toujours craint la station debout immobile. Petite déjà lorsqu'on lui ajustait une robe et qu'elle devait faire la statue durant quelques minutes c'était l'enfer, disons le purgatoire, alors là durant de longues heures, c’est assurément l'enfer !

Le soir chez elle, elle ne cache pas sa fatigue à son mari qui s'imagine, comme elle auparavant, que cet emploi est un petit boulot pépère ! Lorsqu’elle accompagne ses filles dans leur chambre à l’heure du coucher, elle ne s'éternise pas à les embrasser plusieurs fois et si l’une d’elles tarde à se mettre au lit, ou veut encore raconter une anecdote sur sa vie d'écolière ou autre, Diane s'emporte, pressée de s'asseoir et de s’évader en regardant un film.

En guise de film elle se revoit devant les maillots de bain à faire le pied de grue et s'imagine plus tard les mollets boursouflés de varices.

Elle peine à s'endormir tant elle appréhende le lendemain, et les propos de son époux : « Tu vas t’y faire, c’est une question d'habitude ! » loin de l'apaiser et l'aider à trouver le sommeil, lui mettent les nerfs à vif. Qu’en sait-il lui qui a toujours le derrière posé sur le fauteuil de son bureau ?!

Le deuxième jour est plus insupportable que le premier, il n'a même pas l'attrait de la nouveauté et elle doit se débrouiller seule, l'apprentissage est terminé. Ses membres inférieurs toujours douloureux en reçoivent encore une couche. Si la plupart des clients l'ignorent, d'autres, souvent des hommes mûrs, ventrus, lui réclament, l’œil canaille, de prendre leurs mesures afin de connaître leur taille mais peu achètent de slips de bain ! Pas un seul homme beau, jeune ne fait appel à ses compétences !

Chaque soir Diane rentre chez elle exténuée et se montre plus exécrable que la veille.

Le samedi est la pire journée. La nuit n'a pas reposé ses gambettes à rude épreuve depuis six jours. Elles songent plus encore à ses filles qui n'ont pas école en cette fin de semaine, et se retrouvent seules avec leur père dont elles ne sont pas très proches. Il ne s'en est quasi jamais occupé. Puis, c'est l'été, il fait beau, et elle est enfermée là sous ces néons à défaut de soleil, jusqu’à dix-neuf heures ! Ses enfants vont être aussi privées de sortie sans doute. Elle hait ce genre de vie, déteste ce job barbant, idiot, crevant !

En arrivant chez elle, elle craque : crie, pleure, si bien que son mari la supplie… de laisser tomber ce boulot !

Elle ne se fait pas prier et les Nouvelles Galeries ne la reverront pas le mardi suivant.

 

Désormais, elle sait que les vendeuses des grandes surfaces ne jouent pas à la marchande !

 

Où va-t-elle échouer la prochaine fois ? s'interroge-t-elle avec appréhension.

Publicité
Publicité
Commentaires
Mes livres publiés (auto-publiés)
  • Passages des romans que j'ai publiés. À partir d'aujourd'hui j'enverrai, chapitre par chapitre mon nouveau roman : Une maman pas comme les autres; Une histoire vraie, hélas. Merci de me commenter et m'encourager si vous souhaitez lire toute l'histoire
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 790
Newsletter
Publicité